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Nationalité et désuétude : le Conseil constitutionnel valide l’article 30-3 du Code civil

Le 25 avril 2025
Nationalité et désuétude : le Conseil constitutionnel valide l’article 30-3 du Code civil
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1. Résumé succinct

Décision : Conseil constitutionnel, 11 avril 2025, n° 2025-1130/1131/1132/1133 QPC
Texte contesté : Article 30-3 du code civil (issu de la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993)
Objet du litige : Présomption irréfragable de perte de la nationalité française par désuétude.
Demandeurs : Mme Sara M., Dina M., Laila H. et M. Mostafa H., défendus par Me Froger.
Décision rendue : L’article contesté est conforme à la Constitution.

Le Conseil a jugé que l’impossibilité de prouver la nationalité française dans certaines hypothèses de désuétude ne méconnaît ni un principe fondamental reconnu par les lois de la République, ni le droit à un recours juridictionnel effectif, ni les droits de la défense.


2. Analyse détaillée

Les faits
Les requérants contestaient l’article 30-3 du code civil, qui empêche une personne de revendiquer la nationalité française par filiation si, pendant plus de 50 ans, ni elle ni ses ascendants n’ont eu la possession d’état de Français et ont résidé à l’étranger. La perte de nationalité est alors constatée par le juge, sans possibilité de prouver le contraire.

La procédure
La Cour de cassation, saisie de plusieurs pourvois, a transmis au Conseil constitutionnel quatre QPC (art. 61-1 de la Constitution) par décisions du 8 janvier 2025 (n° 90 à 93). Le Conseil a joint ces QPC en une seule décision.

Contenu de la décision

Arguments des parties
Présomption irréfragable = violation du droit à la preuve.
Méconnaissance d’un principe fondamental (intervention du juge pour toute perte de nationalité).
Atteinte aux droits de la défense, au recours juridictionnel effectif, et au droit à un procès équitable (art. 16 DDHC).
Rupture d’égalité (article appliqué même si cela rend apatride ou touche les enfants mineurs).

Raisonnement du Conseil
Pas de principe fondamental reconnu par les lois de la République imposant un contrôle juridictionnel dans ces cas.
L’objectif poursuivi est l’effectivité de la nationalité et la bonne administration de la justice.

Le juge conserve un rôle :

Il vérifie les conditions de désuétude.
Il doit écarter l’article 30-3 si la décision rend l’intéressé apatride.
L’article n’est pas opposable aux enfants mineurs si non opposé au parent.
L’intéressé conserve une voie d’accès à la nationalité par déclaration (art. 21-14 c. civ.).

Solution retenue
L’article 30-3 du code civil, dans sa version de 1993, est conforme à la Constitution.

3. Références et articles juridiques
Décision
Conseil constitutionnel, 11 avril 2025, n° 2025-1130/1131/1132/1133 QPC

Textes cités
Article 30-3 du Code civil :

« Lorsqu’un individu réside ou a résidé habituellement à l’étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d’un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française […] ».


Article 16 DDHC :

« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »

Article 21-14 du Code civil :

Possibilité de déclaration de nationalité française pour des étrangers justifiant de liens manifestes avec la France.

Article 23-6 du Code civil :

Perte de la nationalité constatée par jugement en cas d’absence de possession d’état et résidence prolongée à l’étranger.

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement juridique

Le Conseil adopte une lecture téléologique de la perte de nationalité, fondée sur l’objectif de réalité et d’effectivité du lien national.

Il valide une présomption irréfragable, mais encadrée :

Appréciation concrète par le juge.
Clause de sauvegarde contre l’apatridie.
Accès à une voie de réintégration par déclaration.


Conséquences juridiques
Confirmation d'une ligne jurisprudentielle ancienne : Cass. civ. 1re, 13 juin 2019, n° 18-16.838.
Renforcement du contrôle a posteriori de l’effectivité des liens avec la France dans les demandes de nationalité.
Réduction des contentieux liés à la transmission symbolique de la nationalité sur plusieurs générations non résidentes.

5. Critique de la décision

L’arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2019 (n° 18-16.838) reste le socle interprétatif validé.

La QPC confirme le caractère constitutionnellement légitime d’une présomption irréfragable lorsqu’elle est compensée par des garanties procédurales (juge, preuve, déclaration).

Pas de révolution jurisprudentielle, mais reconduction prudente d’un équilibre entre droit national et intérêt général.


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