Projets militaires chinois dans le Pacifique : quels risques pour la France ?

1. Projets militaires chinois dans le Pacifique

a) Déploiement naval et militarisation
Expansion de la flotte chinoise : La Marine de l'Armée populaire de libération (APL) est désormais la plus grande marine du monde en nombre de navires.
Développement de bases militaires :En mer de Chine méridionale, la Chine a militarisé plusieurs îles artificielles (Spratleys, Paracels).
Dans le Pacifique Sud, la Chine cherche à négocier des accords portuaires pouvant faciliter l’accueil de navires militaires, notamment aux îles Salomon ou Kiribati.
Bases avancées potentielles : Pékin explore la possibilité d’établir des bases logistiques militaires dans plusieurs États insulaires du Pacifique, ce qui perturberait les équilibres régionaux.

b) Diplomatie militaire et sécurité
Accords de sécurité bilatéraux :En 2022, la Chine a signé un accord de sécurité avec les îles Salomon, lui permettant potentiellement d’envoyer des forces de sécurité ou des unités militaires pour "maintenir l’ordre", ce qui a alarmé la France, l’Australie et les États-Unis.
Formation et coopération militaire :Pékin multiplie les programmes de formation des forces de sécurité locales dans plusieurs États insulaires, instaurant une dépendance militaire et technique.

2. Objectifs stratégiques chinois dans le Pacifique

a) Contournement des chaînes d’îles
Briser l’encerclement stratégique des États-Unis, de l’Australie et de la France en contrôlant des points d’appui logistiques dans les îles du Pacifique.
Étendre la sphère d’influence militaire vers la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie et les routes maritimes reliant l’Asie à l’Amérique du Sud.

b) Sécurisation des routes maritimes
Assurer la sécurité des voies commerciales essentielles au commerce chinois, notamment les routes d’approvisionnement énergétique (pétrole, gaz, minerais).

c) Prépositionnement de capacités militaires
Pékin veut pouvoir projetter rapidement des forces vers l’ensemble du Pacifique Sud, ce qui suppose la création de points de ravitaillement, de bases logistiques et de partenariats militaires solides avec les États de la zone.

3. Impacts sur la présence française dans le Pacifique

a) Menace sur les zones économiques exclusives (ZEE) françaises
La France possède la 2e ZEE mondiale, notamment grâce à la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie.
Les ambitions chinoises menacent l’exploitation des ressources halieutiques, minières et énergétiques dans ces ZEE, par la pêche illégale ou des contestations de souveraineté indirectes (soutien à des revendications locales autonomistes).

b) Affaiblissement des alliances traditionnelles
Pékin courtise activement les petits États insulaires voisins de la France, comme les îles Fidji, Vanuatu, Kiribati.
Cela fragilise la coopération régionale, où la France joue traditionnellement un rôle via des instances comme le Forum des îles du Pacifique.

c) Pression stratégique sur les bases françaises
Les bases françaises en Nouvelle-Calédonie et Polynésie deviennent des cibles potentielles en cas de conflit entre la Chine et les États-Unis.
La France pourrait être confrontée à des manœuvres de harcèlement, comme des exercices militaires chinois à proximité, des incidents maritimes ou de la cyber-guerre.

) Remise en cause du statut de puissance régionale
La Chine cherche à affaiblir l’influence stratégique de la France en remplaçant son rôle de partenaire sécuritaire de premier plan pour les petits États insulaires.
À terme, cela pourrait remettre en cause la légitimité de la présence militaire française dans la région, particulièrement si la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie renforcent leurs liens économiques avec Pékin.

4. Exemples concrets de rivalité sino-française dans le Pacifique

Projet/Action chinoise
Impact direct sur la France
Accord de sécurité Chine-Îles Salomon (2022)
Surveillance accrue de la ZEE de Nouvelle-Calédonie.
Proposition de base logistique à Vanuatu
Menace sur les lignes logistiques entre Wallis-et-Futuna et la métropole.
Flotte de pêche chinoise en Polynésie
Pression sur les ressources halieutiques françaises.
Diplomatie des infrastructures (routes, hôpitaux) dans les micro-États
Affaiblissement de l’influence française locale.
Coopération militaire chinoise avec Fidji
Création de liens sécuritaires concurrents de la coopération régionale franco-australienne.

5. Positionnement français face à la menace chinoise

a) Renforcement des moyens militaires
Déploiement de patrouilleurs océaniques supplémentaires.
Intensification des exercices conjoints avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis.

b) Diplomatie régionale active
Promotion d’une présence française protectrice dans le Pacifique via :La défense des ZEE.
Le soutien aux États insulaires face aux catastrophes naturelles.
La coopération en matière de sécurité maritime.

c) Préservation des alliances locales
Renforcement des liens avec la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie pour limiter l’influence économique chinoise.
Développement de programmes d’aide au développement pour contrer la diplomatie du chéquier chinoise.

Conclusion
Les projets militaires chinois dans le Pacifique visent à faire de cette région une zone d’influence stratégique majeure. La France, en tant que puissance riveraine via ses territoires d’outre-mer, est directement concernée. La stratégie chinoise de contournement, de présence logistique et de séduction diplomatique menace la pérennité de la présence stratégique française dans le Pacifique. La réponse française passe par une combinaison de coopération militaire accrue, de diplomatie de proximité et de sécurisation des ressources.