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Démolition d’une construction illégale : arrêt de la Cour de cassation du 21 mars 2019

Le 03 septembre 2019
Démolition d’une construction illégale : arrêt de la Cour de cassation du 21 mars 2019
recours contre permis de construire - troubles de jouissance - responsabilité du voisinage - Les conditions pour demander la démolition d’une construction illégale - Les impacts de cette décision pour les litiges futurs.

Introduction
La démolition d'une construction édifiée en conformité avec un permis de construire ultérieurement annulé soulève des questions juridiques complexes. L'arrêt de la Cour de cassation du 21 mars 2019 (n° 18-13.288) illustre les conditions strictes d'application de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme en matière de démolition. Cet article vise à éclairer les implications de cette décision pour les propriétaires et les tiers concernés.

Contexte juridique et faits de l’affaire
En 2009, M. A. a obtenu un permis de construire pour un garage avec toiture terrasse à Propriano. Ce permis a été annulé en 2012 par la juridiction administrative. M. X., propriétaire d'un appartement voisin, a alors assigné M. A. en démolition de la construction, invoquant la violation des règles d'urbanisme, notamment le non-respect de la marge de recul de trois mètres prévue par le plan local d'urbanisme (PLU).

Analyse de la décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation a rappelé que, selon l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme, la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé ne peut être ordonnée que si deux conditions sont réunies :

Annulation préalable du permis de construire :

Le permis doit avoir été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.

Localisation dans une zone protégée :

La construction doit être située dans l'une des zones spécialement protégées énumérées par l'article L. 480-13, telles que les abords des monuments historiques, les sites classés ou les zones à risque.
En l'espèce, bien que le permis de construire ait été annulé, la construction n'était pas située dans une zone protégée. La Cour de cassation a donc cassé l'arrêt de la cour d'appel qui avait ordonné la démolition, estimant que les conditions de l'article L. 480-13 n'étaient pas réunies.

Jurisprudences croisées et implications pratiques
1. Application stricte de l'article L. 480-13
Dans un arrêt du 12 avril 2018 (n° 17-16.645), la Cour de cassation a précisé que l'article L. 480-13 ne s'applique qu'aux constructions édifiées conformément à un permis de construire, et non à celles réalisées sous le régime de la déclaration préalable. Ainsi, une construction conforme à une déclaration préalable peut être démolie même si l'autorisation n'a pas été annulée, dès lors qu'elle méconnaît les règles d'urbanisme.

2. Zones protégées et action en démolition
Dans un arrêt du 11 février 2021 (n° 20-13.627), la Cour de cassation a rappelé que la démolition peut être ordonnée lorsque la construction est située dans des zones présentant une importance particulière, telles que les sites classés ou les zones à risque, conformément aux dispositions de l'article L. 480-13 modifié par la loi du 6 août 2015.


3. Responsabilité civile et troubles de voisinage
Il est important de noter que l'article L. 480-13 s'applique exclusivement aux violations des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique. Les actions fondées sur des troubles anormaux de voisinage relèvent de la responsabilité civile délictuelle et ne sont pas soumises aux mêmes conditions. Ainsi, une construction conforme aux règles d'urbanisme peut néanmoins engager la responsabilité de son auteur en cas de trouble anormal causé au voisinage.


Conseils pratiques pour les propriétaires et voisins

Pour les propriétaires : Assurez-vous que votre projet de construction respecte non seulement les règles d'urbanisme en vigueur, mais également les servitudes de droit privé et les droits des voisins. Une autorisation administrative ne garantit pas l'absence de litiges ultérieurs.

Pour les voisins : Si vous estimez qu'une construction voisine porte atteinte à vos droits, il est essentiel d'agir rapidement. L'action en démolition fondée sur l'article L. 480-13 doit être engagée dans un délai de deux ans suivant la décision définitive d'annulation du permis de construire. Par ailleurs, d'autres actions fondées sur la responsabilité civile peuvent être envisagées en cas de troubles anormaux de voisinage.

Conclusion

L'arrêt de la Cour de cassation du 21 mars 2019 souligne la rigueur des conditions requises pour ordonner la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé. Il est primordial pour les propriétaires et les tiers de bien comprendre les implications juridiques des règles d'urbanisme et des servitudes, afin de prévenir et de gérer efficacement les litiges potentiels

Cass 3ème civile 21 mars 2019 numéro 18 – 13. 288

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