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Vie privée et nullité du licenciement : arrêt Cour de cassation 2024

Le 07 janvier 2025
Vie privée et nullité du licenciement : arrêt Cour de cassation 2024
contrat de travail - Licenciement - Licenciement disciplinaire - Faute du salarié - Faute grave - Caractérisation - Cas - Agissements du salarié dans sa vie personnelle - Conditions - Manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat

La Cour de cassation, dans son arrêt du 25 septembre 2024 (pourvoi n° 22-20.672), a jugé qu'un licenciement disciplinaire fondé sur des faits relevant de la vie personnelle du salarié ne peut être déclaré nul qu'en cas de violation d'une liberté fondamentale. Cependant, si les faits invoqués ne justifient pas la rupture du contrat de travail, le licenciement est qualifié de dépourvu de cause réelle et sérieuse, ouvrant droit à une réparation indemnitaire.


Rappel exhaustif des faits et de la procédure

Faits

M. T., machiniste receveur à la Régie autonome des transports parisiens (RATP) depuis 2014, a été révoqué en juin 2018 pour faute grave. La révocation reposait sur un contrôle de police réalisé en dehors de ses heures de travail, révélant la possession et la consommation présumée de stupéfiants.

Le salarié a contesté cette décision, arguant que les faits relevaient de sa vie personnelle et ne constituaient pas une faute disciplinaire justifiant une révocation.

Procédure
Cour d'appel de Paris (23 juin 2022) :

La révocation a été déclarée nulle pour atteinte au droit au respect de la vie privée (article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen).
Réintégration du salarié et indemnisation des salaires perdus ordonnées.


Pourvoi devant la Cour de cassation :

La RATP a soutenu que les faits reprochés ne relevaient pas de l'intimité de la vie privée, mais de la vie personnelle, et que la nullité ne pouvait être prononcée faute de texte ou de violation d'une liberté fondamentale.

Articles évoqués et leur contenu
Article L.1235-1 du Code du travail : "En cas de litige, le juge contrôle la régularité de la procédure de licenciement et le bien-fondé de la cause réelle et sérieuse invoquée par l'employeur." 

Article L.1235-2 du Code du travail : "Si un licenciement est jugé injustifié, l'indemnité réparant le préjudice subi est plafonnée en fonction de l'ancienneté du salarié.

Article L.1235-3-1 du Code du travail : "En l'absence de cause réelle et sérieuse, le salarié peut obtenir des dommages-intérêts calculés selon une échelle définie." 

Article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : "Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme." 

Raisonnement de la Cour de cassation

Fondement juridique : La Cour a rappelé que, selon les articles L.1235-1 à L.1235-3-1 du Code du travail, la nullité d’un licenciement n’est possible qu’en cas de disposition expresse ou de violation d'une liberté fondamentale.

Vie personnelle et vie privée : Les faits reprochés (possession de cannabis) relevaient de la vie personnelle de M. T. et non de l’intimité de sa vie privée. Par conséquent, aucune violation d’une liberté fondamentale n’était établie.

Absence de cause réelle et sérieuse : La Cour a constaté que les faits invoqués ne constituaient pas un manquement contractuel ou un trouble objectif pour l’entreprise. Le licenciement a donc été qualifié de dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Décision finale : La nullité du licenciement et la réintégration ont été annulées. La RATP a été condamnée à indemniser M. T. pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, incluant :

Indemnité compensatrice de préavis : 5 668 €
Dommages-intérêts : 14 170 €
Autres indemnités liées au contrat de travail.

Conséquences juridiques

Limitation de la nullité des licenciements : Cet arrêt clarifie que la nullité d’un licenciement est strictement encadrée par la loi et limitée aux cas de violation manifeste de libertés fondamentales.

Distinction vie personnelle/vie privée : Les comportements relevant de la vie personnelle, même s'ils sont observés dans un contexte public, ne relèvent pas toujours de l'intimité protégée par la vie privée.


Lien vers la décision
Cass soc 25 sept 2024 n°22-20.672

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