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Effets de la rétractation du promettant sur la validité d’une promesse unilatérale

Le 03 juin 2024
Effets de la rétractation du promettant sur la validité d’une promesse unilatérale
Promesse de vente - Promesse unilatérale - Promettant - Obligations - Nature - Engagement définitif de vendre - Effets - Rétractation - Possibilité (non) - Portée - revirement de jurisprudence

Les faits sont ainsi rapportés dans l’arrêt de la Cour de Cassation.

Le 21 juin 2012, la société MG et la société GTD ont conclu un protocole d'accord cadre, ayant pour objet l'entrée de la société GTD au capital de la société C2G, filiale de la société MG.

En application de la première partie du protocole, la société GTD a acquis 47 % des actions de la société C2G, le solde étant détenu par la société MG.

Par la deuxième partie du protocole, la société MG a consenti une promesse unilatérale de cession de 13 % des actions de la société C2G à la société GTD, cette dernière devant lever l'option dans les six mois de la tenue de l'assemblée générale approuvant les comptes clos au 31 décembre 2015.

Dans la troisième partie du protocole, les sociétés MG et GTD ont conclu une promesse synallagmatique de cession de l'ensemble des actions de la société C2G encore détenues par la société MG, sous condition suspensive de la réalisation des deux étapes précédentes.

Le 8 mars 2016, la société MG a notifié à la société GTD la rétractation de sa promesse unilatérale. Le 28 juin 2016, la société GTD a notifié à la société MG son intention de lever l'option.

La société GTD, aux droits de laquelle est venue la société Groupe télégramme médias (la société GTM), a assigné la société MG, en présence de la société C2G, en exécution forcée de la promesse et en paiement de dommages et intérêts.

Depuis de nombreuses années la levée de l'option par le bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée (3e Civ., 15 décembre 2009, pourvoi n° 08-22.008 ; 3e Civ., 11 mai 2011, pourvoi n° 10-12.875, Bull. 2011, III, n° 77 ; Com., 13 septembre 2011, pourvoi n° 10-19.526 ; Com., 14 janvier 2014, pourvoi n° 12-29.071).

Lors de la réforme des contrats  par l’ordonnance du 10 février 2016, l’article 1124 du Code civil modifia cette jurisprudence en disposant que la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.

Ces dispositions législatives n’avaient  pas vocation à être rétroactives ce qui dans le cas d’espèce excluait l’application de l’article 1124 du Code civil puisque les faits remontent à 2012.

Pourtant la Cour de cassation va décider en l’espèce que sa jurisprudence doit s'appliquer rétroactivement en se fondant sur le principe que les exigences de la sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas de droit acquis à une jurisprudence constante.

Cette position semble contradictoire avec la sécurité juridique.

La Cour de cassation affirme que ce revirement n’est pas imprévisible puisque celui-ci était appelé de ses vœux par la doctrine bien avant la conclusion du protocole du 21 juin 2012.

La Cour de cassation s’écarte quelque peu des principes gouvernant les règles relatives au revirement imprévisible puisque jusqu’à ce jour, le caractère imprévisible était apprécié au regard des décisions rendues par la justice et non par des discussions doctrinales qui par nature ne tranchent pas un point de droit mais simplement sont le foyer d’une discussion entre divers points de vue.

Si aujourd’hui, des justiciables doivent être des lecteurs assidus des controverses doctrinales pour anticiper un revirement de jurisprudence qui interviendra 12 ans après, c’est une position hautement critiquable qui va à l’inverse de l’obligation de sécurité juridique à laquelle chaque judiciaire est en droit d’espérer.

Dans un tel cas, la Cour de Cassation devait considérer que les instances en cours et en l’espèce celle qui lui était soumise ne pouvait pas être l’objet de ce revirement mais devait être appréciée au regard de la jurisprudence antérieure.

Cette décision entérine donc un double revirement de jurisprudence : celui concernant la validité d’une promesse de cession de parts sociales, celui relatif revirement imprévisible de jurisprudence.

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 mars 2023, 21-20.399

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