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Licenciement : obligation d’examiner tous les griefs selon la Cour de Cassation

Le 26 décembre 2024
Licenciement : obligation d’examiner tous les griefs selon la Cour de Cassation
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Le 23 octobre 2024, la Cour de cassation (pourvoi n° 22-22.206) a rendu une décision importante concernant les obligations des juges dans l'examen des motifs de licenciement. Cet arrêt souligne que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et impose au juge d’examiner tous les griefs mentionnés, même ceux non développés dans les conclusions de l'employeur.

Cass soc 23 oct 2024 n°22-22.206


Décision de la Cour
Articles cités :

Article L. 1232-1 du Code du travail :
« Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. »
URL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006904487/

Article L. 1232-6 du Code du travail :
« La lettre de licenciement, qui précise les motifs du licenciement, fixe les limites du litige. »
URL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006904490/

Éléments factuels

Contexte professionnel :
M. X, conducteur de travaux, a été licencié pour faute grave par la Société pyrénéenne d’aménagement de magasins (SARL). La lettre de licenciement du 2 juillet 2018 mentionnait plusieurs griefs, dont la diffusion de rumeurs préjudiciables à l’entreprise. Après une demande d’éclaircissements par le salarié, l’employeur a complété ces motifs le 13 juillet 2018. Contestant les raisons invoquées, M. X a saisi la juridiction prud'homale. La cour d’appel de Pau, par arrêt du 31 août 2022, a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamnant l’employeur à indemniser le salarié.

Motifs invoqués :
Dans sa lettre de licenciement, l'employeur reprochait notamment à M. [X] :

D’avoir diffusé des rumeurs nuisibles à l'entreprise.
D’avoir utilisé à des fins personnelles un véhicule de service.
D’avoir consenti des prestations gratuites à des clients.
D’avoir commis des malfaçons sur des chantiers.
Procédure judiciaire :
Après contestation par le salarié, la cour d’appel de Pau avait jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en examinant certains griefs mais pas celui relatif aux rumeurs nuisibles.

Raisonnement de la Cour
Fixation des limites du litige par la lettre de licenciement :
La Cour a rappelé que la lettre de licenciement fixe les limites du litige, conformément à l’article L. 1232-6 du Code du travail. Elle impose au juge d’examiner tous les motifs évoqués dans cette lettre, y compris ceux que l'employeur n'a pas développés dans ses conclusions.

Violation de l'obligation d'examen complet :
En omettant d’examiner le grief relatif à la diffusion de rumeurs nuisibles, la cour d’appel a violé l’article L. 1232-6.

Cassation :
La Cour de cassation a annulé l’arrêt de la cour d’appel et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Toulouse.

Conséquences juridiques

Renforcement des obligations des juges :
Les juges doivent examiner tous les motifs invoqués dans la lettre de licenciement, qu’ils soient ou non développés ultérieurement par l’employeur.

Encadrement des licenciements :
Cette décision renforce les droits des salariés, en exigeant un examen rigoureux des motifs avancés, tout en garantissant aux employeurs une prise en compte équitable de tous leurs griefs.

Uniformisation des pratiques :
Elle réduit les divergences dans l’interprétation des obligations des juges et harmonise les décisions sur les contentieux en matière de licenciement.

Comparaison avec la jurisprudence antérieure

Arrêt du 29 septembre 2014 (Cass. soc., pourvoi n° 13-18.211) :
La Cour avait déjà jugé que la lettre de licenciement fixait les limites du litige, mais l’arrêt de 2024 va plus loin en imposant l’examen complet de tous les griefs mentionnés.

Arrêt du 27 mars 2019 (Cass. soc., pourvoi n° 17-28.234) :
Cet arrêt avait précisé que les juges peuvent écarter des motifs non étayés, mais l’arrêt de 2024 confirme que tous les motifs doivent être examinés, même s’ils ne sont pas développés en détail.

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