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Éclairage historique sur une relance d’un autre temps, à la lumière des défis français contemporains
Face à la dette et au déficit, la France peut-elle tirer des enseignements de la politique économique d’Hjalmar Schacht, mise en œuvre dans l’Allemagne des années 1930 ? Analyse nuancée d’un modèle controversé, adapté aux enjeux actuels : transition écologique, souveraineté industrielle, réarmement face aux menaces extérieures.
Aux grands maux, les grandes politiques ?
Dans un contexte budgétaire tendu, où les dettes publiques tutoient les sommets et où le déficit semble devenu un horizon permanent, nombreux sont ceux qui s’interrogent : comment renouer avec un équilibre pérenne sans sacrifier ni la justice sociale, ni la vitalité économique ?
Parmi les figures historiques invoquées – parfois à contre-temps – surgit le nom d’Hjalmar Schacht, l’économiste allemand qui, dans les années 1930, mit en œuvre une politique de relance aussi audacieuse que controversée. Peut-on, dans une France démocratique et européenne, s’inspirer de ses outils sans trahir nos principes ? Peut-on relancer sans déraper ?
Hjalmar Schacht : le financier de l’impossible
Né à la fin du XIXe siècle, Hjalmar Schacht fut tour à tour banquier, économiste et ministre de l’Économie. Sa réputation repose sur un exploit économique : avoir remis l’Allemagne sur pied après la grande crise de 1929, alors même que le pays était exsangue, surendetté, et socialement fracturé.
Mais son œuvre, si remarquable du point de vue technique, fut aussi l’une des chevilles ouvrières de l’économie de guerre nazie. Cette ambivalence oblige : il ne saurait être question de réhabiliter l’homme, mais bien d’analyser froidement les instruments économiques qu’il mit en place, pour mieux en évaluer la possible transposition.
Une architecture économique d’avant-garde
Le financement extrabudgétaire : l’art de contourner le réel
Face à l’impossibilité politique d’augmenter officiellement la dette, Schacht imagine un système ingénieux : les « bons MEFO », émis par une société écran, permettent à l’État de commander à l’industrie sans grever directement le budget public.
Ce financement parallèle nourrit l’économie réelle tout en évitant l’inflation, du moins dans un premier temps.
Une relance dirigée, massive, implacable
L’Allemagne se couvre alors de routes, d’infrastructures, d’industries flambant neuves. Les commandes publiques affluent. Le chômage chute. La puissance publique devient le cœur battant de l’économie, absorbant les chocs et canalisant les énergies.
Une économie sous contrôle
Mais cette politique repose aussi sur une discipline de fer :
Blocage des salaires,
Contrôle des prix,
Échanges internationaux réduits au troc.
Une logique efficace à court terme, mais incompatible avec l’ouverture démocratique et les libertés individuelles.
Il serait illusoire de transposer tel quel un modèle né sous un régime autoritaire. Mais il serait tout aussi dommage de rejeter en bloc une série d’outils économiques innovants, simplement du fait de leur origine historique.
Ce qui peut inspirer une relance républicaine
Une agence d’investissement public indépendante, à l’image d’une « MEFO démocratique », pourrait financer les grands chantiers de transition (énergie, rail, logement), sans dépendre de la seule logique budgétaire annuelle.
Une commande publique stratégique, ciblant les filières clés de la souveraineté (santé, énergie, agroalimentaire), serait à même de soutenir la croissance et de restaurer une base productive.
Une planification écologique et sociale, enfin, permettrait d’orienter les fonds vers les besoins essentiels de demain.
Ce qu’il faut absolument écarter
La dissimulation budgétaire, contraire aux exigences de transparence démocratique.
L’encadrement autoritaire des salaires ou de la liberté d’entreprendre.
Toute tentation de détourner la relance vers des objectifs non pacifiques.
Réarmer la France : un impératif géopolitique, une opportunité industrielle
Un contexte stratégique bouleversé
Depuis l’invasion de l’Ukraine, l’Europe n’est plus tout à fait en paix. Face aux menaces russes, à l’instabilité aux portes de l’Union, et à la montée des tensions dans le cyberespace comme dans le réel, la France n’a plus le luxe de différer son effort de réarmement.
Mais dans une économie déjà surendettée, comment financer une telle montée en puissance sans créer de nouvelles fragilités budgétaires ?
Une convergence possible : relance et souveraineté
La réponse pourrait passer par une réinterprétation moderne de la logique schachtienne, cette fois au service de la démocratie, de la paix, et de la souveraineté :
Création d’un fonds souverain ou d’une agence de financement de la défense, opérant sous contrôle parlementaire.
Investissements publics massifs dans les secteurs stratégiques : défense, cybersécurité, IA, spatial, industries de double usage.
Effet d'entraînement sur l’ensemble du tissu industriel national, créateur d’emplois, de savoir-faire, de puissance.
Un réarmement démocratique, européen, écologique
Ce réarmement ne serait ni un repli nationaliste, ni un retour à l’économie de guerre, mais un acte de souveraineté lucide :
Intégré dans un cadre européen de défense mutualisée,
Respectueux des normes démocratiques,
Et compatible avec les objectifs de transition énergétique.
Et si l’on bâtissait une politique de Schacht… verte, souveraine et républicaine ?
Dans un monde où la paix n’est plus garantie et où les transitions se multiplient, certains principes de Schacht – planification, audace financière, coordination entre État et industrie – peuvent être réinterprétés à l’aune des défis du XXIe siècle.
Il ne s’agirait plus de relancer pour réarmer, mais de relancer pour protéger, reconstruire, et anticiper.
Conclusion : une politique du réel, adossée à l’Histoire
Le nom de Schacht convoque l’ombre autant que la lumière. Il invite à la prudence, mais aussi à la réflexion. Dans une époque où la rigueur comptable semble avoir évincé toute ambition politique, revisiter certains mécanismes anciens, avec lucidité, éthique et prudence, pourrait permettre de sortir des sentiers battus.
Plutôt que d’opposer relance, défense et transition, il est temps de les articuler dans un même projet de souveraineté démocratique
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