Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Droit immobilier > Servitude et proportionnalité des sanctions : limites des démolitions

Servitude et proportionnalité des sanctions : limites des démolitions

Le 03 septembre 2024
Servitude et proportionnalité des sanctions : limites des démolitions
Servitude de cour commune - Convention - Effets - Obligation du propriétaire du fond dominant - Inexécution - Sanction – Détermination - .société civile immobilière - violation de règles d'urbanisme

Résumé succinct de la décision

Dans son arrêt du 28 mars 2024 (Cass. 3e civ. 28 mars 2024, n°22-13.993), la Cour de cassation a confirmé que l'inexécution par le propriétaire d’un fonds dominant des obligations liées à une servitude de cour commune peut justifier la démolition des ouvrages non conformes, sous réserve de la proportionnalité de la mesure. Elle a néanmoins partiellement annulé l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence pour défaut de réponse aux conclusions sur certains points.


Rappel exhaustif des faits et de la procédure

Faits

M. et Mme S., propriétaires d’un terrain voisin de celui de la SCI [Adresse 5], ont conclu en 2003 une convention instituant une servitude de cour commune. Cette servitude permettait à M. et Mme S. de construire une piscine à proximité de la limite séparative, en respectant les distances réglementaires prévues.
Une expertise a révélé que la piscine et ses annexes (plage, local technique, fenêtre, parking suspendu) ne respectaient pas les termes de la convention et les distances réglementaires. La SCI [Adresse 5] a donc assigné M. et Mme S. en démolition partielle des ouvrages litigieux.

Procédure
Tribunal de première instance :Le tribunal a ordonné la démolition partielle des ouvrages non conformes.
Cour d’appel d’Aix-en-Provence (9 décembre 2021) :La cour a confirmé la décision en condamnant M. et Mme S. à démolir les ouvrages concernés et à reboucher une fenêtre donnant sur le fonds voisin.


Pourvoi en cassation :M. et Mme S. ont contesté la décision, invoquant des violations des règles de procédure et une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur domicile.

Articles évoqués et leur contenu

Article L. 471-1 du Code de l'urbanisme : "Les servitudes de cour commune peuvent être imposées pour garantir le respect des distances entre constructions fixées par les règles d’urbanisme." URL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006824540/

Article 455 du Code de procédure civile : "Tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs." URL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006412847/

Article 678 du Code civil : "Il n'est pas permis d'avoir des vues droites ou perpendiculaires à moins de 1,90 mètre de la limite séparative des propriétés voisines." URL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006429335/


Raisonnement de la Cour de cassation

Respect des obligations conventionnelles :

La Cour a rappelé que le propriétaire du fonds dominant est tenu de respecter l’emplacement convenu des ouvrages. L’inexécution de cette obligation peut justifier une démolition dans la mesure nécessaire au respect de la convention.

Proportionnalité de la sanction :

La démolition d’ouvrages non conformes doit être proportionnée au préjudice causé au propriétaire du fonds servant.

Défaut de réponse aux conclusions :

La Cour a partiellement cassé l’arrêt pour défaut de réponse aux arguments des propriétaires sur :La possibilité d’une solution alternative à la démolition.
L'absence de préjudice causé par la fenêtre litigieuse en raison d’un brise-vue installé par la SCI.
L'atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur domicile.

Conséquences juridiques

Renforcement de l'exigence de proportionnalité :

Cet arrêt souligne que les juges doivent examiner les solutions alternatives avant d’ordonner des mesures de démolition.
Clarification des obligations liées aux servitudes de cour commune :

Les conventions doivent être scrupuleusement respectées pour préserver les droits des parties.


Évolution de la jurisprudence :

Antécédent : Cass. 3e civ., 11 mars 2020, pourvoi n°18-22.612 : Obligation de proportionnalité dans les mesures correctives. URL : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence?decision=18-22.612
L’arrêt de 2024 renforce ces principes en exigeant un examen attentif des alternatives à la démolition.

Référence à la décision
Texte complet : Cass. 3e civ. 28 mars 2024, n°22-13.993

 Cass 3ème civ 28 mars 2024 n°22-13.993

Cette actualité est associée aux catégories suivantes : Droit immobilier  -  Droit de la construction  -  Droit du voisinage