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CEDH et féminicide : l’État doit prévenir les violences des partenaires dangereux

Le 16 avril 2025
CEDH et féminicide : l’État doit prévenir les violences des partenaires dangereux
violences faites aux femmes – féminicide – protection des victimes – obligation positive article 2 – CEDH N.D. c. Suisse – jurisprudence européenne – évaluation du risque – prévention violences conjugales – responsabilité de l’État

1. Résumé succinct

Contexte :

Mme N.D. a signalé à plusieurs reprises les menaces et violences de son ex-partenaire. Malgré la reconnaissance officielle de la dangerosité de cet homme, les autorités suisses n’ont pas pris de mesures suffisantes pour protéger la requérante. Son ex-partenaire a tenté de l’étrangler et l’a blessée gravement.

Juridiction :

Cour européenne des droits de l’homme, 3 avril 2025, n° 56114/18, affaire N.D. c. Suisse.

Impact principal :
La CEDH renforce sa jurisprudence sur les obligations positives découlant de l’article 2 CEDH (droit à la vie), en matière de prévention des violences conjugales. Elle souligne que la connaissance du risque par les autorités impose une action diligente, y compris préventive.


2. Analyse détaillée

Les faits
Mme N.D., résidente en Suisse, est victime de menaces et violences de la part de son ex-partenaire, qu’elle dénonce à plusieurs reprises entre 2014 et 2016. Malgré plusieurs mains courantes, constats médicaux et avertissements policiers, aucune mesure de protection concrète n’est prise (ni expulsion du domicile, ni bracelet anti-rapprochement, ni garde à vue).

L’agresseur finit par tenter de l’étrangler à son domicile. Elle survit mais garde des séquelles physiques et psychologiques durables.

La procédure

Les juridictions suisses rejettent sa demande en responsabilité de l’État.
La requérante saisit la CEDH, invoquant une violation des articles 2 (droit à la vie) et 13 (recours effectif).

Contenu de la décision
Arguments de la requérante :
Elle invoque la passivité des autorités malgré des éléments objectifs démontrant un risque létal.

Réponse de la Cour :

La Cour constate que les autorités avaient connaissance de la dangerosité réelle et immédiate.
Aucune mesure n’a été prise alors que le cadre légal suisse permettait une intervention préventive.
Elle confirme une violation de l’article 2 pour manquement à l’obligation de prévention des violences fondées sur le genre.
Elle relève également une violation de l’article 13 pour absence de recours effectif.
Solution retenue :
Double violation : articles 2 et 13 de la CEDH.


3.  Références et textes juridiques

 Décision analysée
CEDH, 3 avril 2025, N.D. c. Suisse, n° 56114/18
???? Convention européenne des droits de l’homme

Article 2 – Droit à la vie :
« Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. [...] »
Article 13 – Recours effectif :
« Toute personne [...] a droit à un recours effectif devant une instance nationale. »

4. Analyse juridique approfondie
L’arrêt N.D. c. Suisse vient prolonger une ligne jurisprudentielle déjà marquée par :

CEDH, Opuz c. Turquie, 9 juin 2009, n° 33401/02
→ Fondatrice de l’obligation de prévention effective des violences conjugales.


CEDH, Kurt c. Autriche, G.C., 15 juin 2021, n° 62903/15
→ Le danger ne se limite pas à des antécédents judiciaires ; la gravité du contexte suffit.


Dans cet arrêt, la Cour rappelle que :

L’obligation positive de protection ne dépend ni d’un dépôt de plainte, ni d’une condamnation antérieure.
Le principe de diligence raisonnable impose aux autorités d’agir de manière concrète et rapide dès lors qu’un risque identifiable est connu.
Elle renforce le lien entre l'article 2 (vie) et les obligations issues de la Convention d’Istanbul (ratifiée par la Suisse).

5.  Critiques de la décision 

Opuz c. Turquie (CEDH, 2009) – obligation de prévention établie.
Kurt c. Autriche (CEDH, 2021) – seuil d’alerte assoupli.
Talpis c. Italie (CEDH, 2017) – responsabilité engagée malgré dépôt de plainte.

→ Le principe dégagé : connaissance du danger = devoir d’agir immédiatement.
→ La notion de « diligence raisonnable » est affinée.

→ L'arrêt est une évolution logique et plus rigoureuse de Kurt, avec un renforcement des obligations d’action face à des partenaires violents connus.

6. Accompagnement juridique
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