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Le droit spécial des assurances prévaut sur le droit commun

Le 23 janvier 2024
Le droit spécial des assurances prévaut sur le droit commun
article 1131 du code civil - article L. 113-1 du code des assurances - cette clause formelle et limitée - droit spécial - droit commun - clause d'exclusion de garantie - obligation essentielle souscrite par le débiteur - validité des clauses d'exclusion

Une société exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 16 juillet 2016 un contrat d'assurance « multirisque professionnel » incluant une garantie « protection financière ».

À la suite de la crise du covid interdisant aux restaurants et débits de boissons d'accueillir du public, la société a effectué une déclaration de sinistre, au titre de ces deux périodes de fermeture, auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même.
La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

L'assureur refuse de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en œuvre, en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

La société assigne l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie.

La Cour de cassation vise les articles 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et L. 113-1 du code des assurances.

L’article 1131 du code civil

L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

L’article L. 113-1 du code des assurances

Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

La Cour de Cassation dans sa démarche d’expliciter ses arrêts rappelle que selon le premier de ces textes, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet pour justifier la cassation de l’arrêt de la Cour d’Appel.

Il résulte du second article que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

Ainsi une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire (2e Civ., 1er décembre 2022, pourvois n° 21-19.341, n° 21-19.342, n° 21-19.343, n° 21-15.392, publiés au Bulletin ; 2e Civ., 19 janvier 2023, pourvoi n° 21-21.516, publié au Bulletin).

La validité des clauses d'exclusion de garantie, régie par ce texte spécial qui exige qu'elles ne vident pas la garantie de sa substance, ne peut être cumulativement examinée au regard de l'article 1131 du code civil.

Ce point est capital. La Cour de Cassation rappelle un principe que le droit spécial prévaut sur le droit général en l’espèce le droit des assurances s’imposent aux dispositions du code civil.


Pour réputer non écrite la clause d'exclusion de garantie et condamner l'assureur à payer une provision, l'arrêt de la Cour d’appel avait retenu que cette clause était formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, et qu'elle ne pouvait être réputée non écrite ou inopposable à ce titre.

Mais ensuite, en se fondant sur l'article 1131 du code civil, la Cour d’appel déclarait non écrite la clause limitative de réparation, ou de garantie, qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur.

Pour la Cour d’Appel,  l'obligation essentielle contractée par l'assuré était une garantie des pertes d'exploitation causées par une fermeture administrative pour épidémie, d'autre part, que la clause litigieuse, en réduisant la garantie au cas infinitésimal d'une fermeture administrative pour épidémie imposée au seul assuré pour tout le département, la vide de sa substance.

La Cour de Cassation fait prévaloir le droit des assurances et retient une contradiction de la Cour d’Appel dès lors que la clause d'exclusion de garantie était formelle et limitée, sur le fondement de l'article L. 113-1 du code des assurances

Cass 2ème  civ 12 oct 2023 n°22-13.759

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